Le Néron
la hardiesse montagnarde aux portes de Grenoble

La crête de ce sommet, peu élevé (1298 m) mais spectaculaire, forme une étrave acérée qui se dresse vers le nord et s'abaisse vers le sud presque jusqu'au niveau de la plaine alluviale de l'Isère. Elle est constituée par un "volet rocheux" d'Urgonien fortement incliné vers l'ouest, qui appartient en fait au flanc oriental d'un "synclinal du Néron". Mais l'Urgonien du flanc occidental de ce synclinal, dont l'axe plonge dans l'ensemble nettement vers la cluse de l'Isère, a été pratiquement complètement enlevé par l'érosion et la charnière du pli ne se voit guère qu'aux deux extrémités, nord et sud, de la crête.

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Le Néron vu d'avion, depuis le sud.

s.N = synclinal du Néron : l'arête de la montagne, ici vue d'enfilade, est un crêt à revers très incliné découpé dans le flanc oriental de ce synclinal.
Ce pli est tranché à la Buisseratte par le bord de la Cluse de l'Isère, dont la coupe naturelle montre bien la charnière déversée vers l'ouest.

"axe" = tracé de l'axe du pli, à la surface du niveau le plus récent de l'Urgonien qu’ait respecté l'érosion du cœur du synclinal.
"s.N p.a" = plan axial du synclinal vu, à La Buisseratte, en coupe transversale naturelle presque verticale (noter son déversement peu accentué, de moins de 30° par rapport à à la verticale).

s.P = synclinal de Proveysieux : le ruisseau de Tenaison suit à peu près son axe.
f.N = faille de Narbonne (voir la page "Rachais")

Ce cliché date de 1968 : noter l'urbanisation encore faible de la surface du cône de déjections de Saint-Égrève.



On peut en outre noter, sur le cliché ci-dessus, l'incurvation de l'axe du synclinal du Néron, qui traduit sans doute son intersection en oblique par le "synclinal subalpin tardif" (voir plus loin dans la présente page) : on perçoit le changement d'orientation des couches dans les dalles qui descendent du point 1294, c'est-à-dire au nord du couloir Ulhrich : elles y sont seulement vues en biais, plus d'enfilade (voir le cliché suivant).

Le synclinal du Néron est le pli le plus occidental de l'ensemble chartreux oriental. De fait le socle de la montagne, du côté ouest, est traversé en diagonale par le chevauchement de la Chartreuse oriental, qui descend jusqu'au niveau de la plaine de l'Isère au hameau du Muret et s'y perd sous les alluvions fluviatiles (au sud du stade des Brieux). 


Coupe schématique interprétative de la rive droite de la Trouée de l'Isère en aval de Grenoble.
s.Pr = synclinal de Proveysieux ; Ø3 = "chevauchement" de la Chartreuse occidentale ; s.N = synclinal du Néron ; a.L = anticlinal de Leuilly ; s.Pi = synclinal de la Pinéa ; ØQ = faille (chevauchement ?) de Quaix ; f.C = faille des Combes de Saint-Martin ; ØJ = chevauchement du Jalla ; ØB =chevauchement de La Bastille ; a.Ec = anticlinal de l'Écoutoux.


Cet accident fait reposer les calcaires du Fontanil du pied ouest du Néron sur les affleurements de Sénonien, verticaux ou un peu renversés, qui affleurent en pied de falaise depuis la gorge de l'Infernet jusqu'à la latitude du hameau du Champy (voir l'avant dernier cliché de la présente page). Ils réapparaissent plus au sud, au Muret, et s'y complètent là par une lame verticale d'Urgonien qui s'intercale le long de la surface de contact tectonique. Ces affleurements représentent avec assez d'évidence le flanc est du synclinal de Proveysieux. On est tenté de penser, comme l'ont fait tous les auteurs, que l'attitude de ces couches vient de ce qu'elles y sont rebroussées par le jeu d'un chevauchement.

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Les affleurements du Muret, au pied des escarpements du Néron, à la latitude du stade des Brieux (vue plongeante de l'ouest) vue pseudo aérienne d'après une image extraite de "google-earth".
Ø3 = "chevauchement" de la Chartreuse orientale ; f.Ol = faille de 2° ordre : sa surface de cassure héberge une cavité karstique remplie de marnes oligocènes qui a été atteinte par la galerie dont l'entrée est indiquée ; f.s = fractures secondaires (N.140) ; s.0 = surfaces de strates sub-verticales (N.45).
Sés = calcaires à silex sénoniens ; Ui = Urgonien (sans doute inférieur car flaqué du côté est par des marnes attribuées à l'Hauterivien.

Pourtant cette interprétation s'avère fortement contredite par les observations que l'on peut y faire (merci pour son aide de révision des lieux à Mr Yves BARDOU).

En premier lieu la lèvre supérieure de ce prétendu chevauchement ne montre pas trace d'un crochon anticlinal d'entraînement (qui devrait être antiforme, antitéthique de celui, synclinal, de la lèvre inférieure) : au contraire ses couches s'infléchissent vers le haut pour y ébaucher le flanc ouest du synclinal du Néron.

D'autre part cette interprétation fait état d'un supposé "broyage des strates" que l'on observe en fait pas (l'attitude sub verticale des deux gros bancs, et surtout de leurs épontes, y est au contraire assez patente). Mais surtout elle ne tient pas compte du fait que les trois termes successifs s'y succèdent dans l'ordre stratigraphique mais chacun avec une épaisseur propre très réduite. Ce fait ne peut guère étre attribué à un écrasement mécanique global : l'importance des lacunes qui affectent leurs niveaux intermédiaires peut (difficilement) s'expliquer par les jeux successifs de cassures s'organisant en un faisceau, ou, plus facilement, par des manques intervenus lors du dépôt des couches successives.

Par ailleurs l'examen de cet accident majeur peut être pratiqué au niveau des couches oligocènes à la latitude (relativement septentrionale) de l'entaille des gorge de la Vence au lieu-dit l'Infernet (voir plus loin dans cette page : on y observe une mise en éventail des lits de molasses rouges oligocènes qui s'appuient en discordance successives contre le Sénonien que le torrent franchit en gorges.

En définitive l'accident désigné comme chevauchement de la Chartreuse occidentale semble correspondre à une paléo-cassure extensive qui a limité dès le Crétacé une zone déprimée qui est devenue au Miocène le synclinal de Proveysieux. Ce caractère l'apparente clairement à la paléo-faille qui affecte plus au sud les abords des Arêtes du Gerbier.

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Le Néron (versant ouest), dominant Saint-Égrève vu du nord-ouest, depuis le sommet de la Buffe (Vercors).
s.P = axe du synclinal de Proveysieux ; Ø3 = "chevauchement de la Chartreuse orientale" (ici faille décro-chevauchante : voir la page "Quaix") ; s.N = synclinal du Néron ; s.mS = synclinal méso-subalpin.
Le plongement vers la droite (sud) de tous les accidents tectoniques est très évident. Il s'atténue fortement, au moins en ce qui concerne le synclinal du Néron, à partir de l'aplomb du Muret. Cela est dû à que l'axe du "synclinal méso-subalpin" (tardif), dont l'orientation, NE-SW, est perpendiculaire au cours de l'Isère, passe là.
Il traverse le synclinal du Néron sous un angle de l'ordre de 30°, en se confondant avec lui à l'emplacement repéré par une astérisque émeraude. L'axe du pli du Néron est tordu : presque horizontal à droite il plonge nettement vers le sud à gauche. À droite les couches de son flanc ouest sont presque horizontales, alors qu'à gauche elles pendent clairement vers l'est.
Il est intéressant de comparer le cliché ci-dessus avec le précédent et avec le suivant, pour voir la torsion sous un autre angle, et aussi pour apprécier la progression de l'urbanisation en 30 ans ...

D'autre part deux faits tendent à montrer que le synclinal du Néron est traversé en oblique par un autre pli, d'ailleurs plus ample, dans lequel il faut vraisemblablement voir le grand "synclinal méso-subalpin" orienté en moyenne N.45° (voir la page "tectonique subalpine"). En effet la dalle du flanc oriental du pli se tord en prenant un azimut moins N-S selon un tracé oblique qui est très précisément celui du couloir Ulhrich puis qui doit traverser à flanc de falaise les couches du flanc ouest ; d'autre part en effet l'axe du pli voit son pendage s'affaiblir entre Le Muret et Fiancey de ce couloir (ce qui traduit sans doute cette même torsion).

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Le Néron et Saint-Égrève vus de l'ouest depuis les Engenières (route de Saint-Nizier).
Ce cliché, pris en 2004 montre la dénudation de la dalle rocheuse qui a été occasionnée par l'incendie lié à la canicule de l'été 2003.
a.L = anticlinal de Leuilly (?) ; s.N = synclinal du Néron (pour une simple question d'orientation du regard la perspective adoptée pour le dessin de la charnière est inverse au sud par rapport au nord ...).
La trace axiale (intersection du plan axial avec les couches successives) est soulignée par une étroite banquette boisée. Au dessus, jusqu'à la crête, la pente est formée de dalles structurales* appartenant au flanc oriental du pli. Au dessous ,la falaise où l'on voit les strates superposées représente ce qui reste du flanc ouest du synclinal du Néron.
Ø3 = "chevauchement de la Chartreuse orientale" (ici faille décro-chevauchante : voir la page "Quaix"). Sous cet accident fortement incliné vers l'est l'Urgonien et le Sénonien du Muret appartiennent au flanc oriental, également très redressé, du synclinal de Proveysieux.


Cette torsion s'avérant tardive elle doit affecter aussi la surface de chevauchement de la Chartreuse orientale à l'est du Muret : cela doit réduire son plongement vers l'est et faire subir ainsi à son tracé (masqué sous les éboulis puis les alluvions fluviatiles) une inflexion vers l'est. À l'extrémité sud de la montagne, à la Buisseratte, cela doit lui conférer une direction presque N-S, tout à fait susceptible de lui faire se raccorder sur l'autre rive de l'Isère avec le tracé de la faille des Perrières, au nord de Pariset (voir la page "Sassenage") sans avoir besoin de recourir à une autre complication explicative (notamment sans décrochement qui suivrait la vallée ...).

L'éperon nord du Néron, que la Vence tranche dans ses basses pentes, montre quelques détails structuraux supplémentaires :

1 - Dans l'Urgonien du sommet se dessine un repli anticlinal mineur qui s'amortit vers le haut de la succession. Cette ondulation "en genou" se dessine également, de façon d'ailleurs plus ample, dans les calcaires du Fontanil du versant boisé qui descend vers la Vence (on le voit bien aux variations du pendage des couches le long du chemin qui mène au fort des Batteries).

Tout indique que ce mouvement anticlinal prolonge, en rive sud de la Vence, l'anticlinal de Leuilly, que l'on observe en rive nord dans le flanc ouest de l'Aiguille de Quaix et qui a le même dessin. Quant à la signification de cette torsion anticlinale curieusement déjetée on peut envisager qu'elle corresponde à la flexure occidentale "en genou" d'un pli coffré (à voute plate inclinée vers l'ouest) dont la flexure orientale pourrait être celle de la Pinéa.


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L'extrémité septentrionale du Néron, vue exactement du nord-ouest, presque dans l'axe du synclinal, depuis le hameau de La Buissière (au pied ouest de l'Aiguille de Quaix).
Ø3 = branche supérieure, à fort pendage (proche de la verticale), du réputé chevauchement de la Chartreuse orientale (il est doublé, en contrebas, par les failles visibles dans les gorges de l'Infernet) ; s.N = charnière synclinale du Néron ; a.L = charnière anticlinale en genou de l'anticlinal de Leuilly : c'est le prolongement supposé, jusque dans l'Urgonien ici, de celle qui affecte les calcaires du Fontanil à l'Aiguille de Quaix.


2 - Dans le versant boisé qui domine la gorge de la Vence, on voit s'intercaler, en contrebas du chevauchement de la Chartreuse orientale, deux barres rocheuses distinctes, mais qui résultent du débitage, par des failles secondaires de la flexure synclinale rebroussée du flanc oriental du synclinal de Proveysieux.

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Le versant nord-occidental de l'extrémité nord du Néron, vu du NW depuis le village de Proveysieux.
s.N = synclinal du Néron ; Ø3 = chevauchement de la Chartreuse orientale (branche amont très redressée) ; Øm = branche aval, "moyenne" du chevauchement ; Øi = faille de l'Infernet (N.30 à pendage 70° est) ; s.P = synclinal de Proveysieux.
La lame rocheuse intercalée entre les deux cassures Ø3 et Øm semble comporter un synclinal à coeur de Sénonien supérieur, juxtaposé à un lame d'Urgonien, ce qui est d'interprétation énigmatique.


La plus basse, formée de Sénonien, recoupe successivement du nord vers le sud les molasses oligocènes puis miocènes du synclinal de Proveysieux, dont les bancs sont renversés à son contact au delà de la verticale : elle représente sans doute le flanc oriental de ce pli, rebroussé en crochon* par le jeu d'une faille de l'infernet (à fort pendage est) qui détermine le saut de la Vence.

La plus haute comporte de l'Urgonien apparemment juxtaposé à du Sénonien, lequel est directement recouvert par les calcaires du Fontanil de la base de la succession chevauchante du Néron ; elle a un dessin cartographique fusiforme qui est évoque celui d'une "navette", intercalée le long de la surface tectonique majeure mais arrachée à un emplacement indéterminé de la structure intercalaire.
Le contexte plus septentrional de lambeaux urgoniens observables sous les calcaires du Fontanil chevauchants (voir les pages "Canaple" et "Pinéa") portent à y voir un ultime fragment disloqué détaché de l'écaille de Canaple.

Au nord du cours de la Vence cette structure un peu complexe se simplifie par convergence des cassures, comme on le voit en rive droite le long de la route menant à Quaix (voir la page "Quaix"). Mais il est important d'observer que toutes ces cassures ont un fort pendage, ce qui s'acccorde mal avec l'interprétation en simple surface de chevauchement de c système tectonique.

Au revers est du Néron s'ouvre le vallon du col de Clémencières qui le sépare du Rachais. Il ne représente apparemment qu'une banale combe monoclinale essentiellement ouverte dans les marnes de Narbonne (et où est situé leur village éponyme). Mais on ne peut exclure que leur épaisseur n'y soit pas accrue par des complications tectoniques mineures, comme celles qui s'observent plus au nord à la latitude de la Pinéa et de Sarcenas.

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La combe de Narbonne - Sarcenas (dépression orientale de Quaix), vue d'avion, du sud, depuis l'aplomb de Fontaine, à peu près selon l'azimut des couches.
s.N = synclinal du Néron ; a.E = anticlinal de l'Écoutoux ; f.R = faille de chevauchement du Rachais ; ØQ = chevauchement de Quaix ; s.mS (en bleu pâle) = synclinal "méso-subalpin" (orienté N45 il recoupe les autres plis en oblique).
L'azimut d'ensemble, presque N-S, de la large bande d'affleurements des marnes de Narbonne a dirigé le creusement des thalwegs, qui s'est principalement fait en suivant la marge ouest des niveaux de calcaires lités du Berriasien, plus résistants, du flanc occidental de l'anticlinal de l'Écoutoux.
En avant-plan (Clémencières) la combe des marnes de Narbonne est fortement éventrée, tandis qu'en arrière-plan (Les Salanches, Sarcenas) l'érosion à respecté un toit de calcaires du Fontanil.


En outre, vers le sud, il y a lieu de s'interroger sur l'éventuel prolongement de la faille de chevauchement de Quaix. En effet la disposition de cet accident rend plausible sur son raccord (en passant par le col de Clémencières) avec la faille des Combes de Saint-Martin-le-Vinoux (voir le premier cliché de la page "Rachais").


Pour prendre connaissance des anciennes recherches sur la montagne du Néron, voir l'étude de Lambert (réf. dans la liste bibliographique)
Carte géologique simplifiée (fond topographique d'après la carte IGN au 1/100.000°)
carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuilles Grenoble

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